Absolument aucune idée !!! Ce que je sais, c'est que je continue d'essayer, pas tous les jours, pas toutes les semaines, pas tous les mois. Mais quand ça vient, ça vient. Ça réécrit, ça efface, ça recopie, ça développe, ça voudrait raturer parfois. Et puis il y a le Mexique, alors ça vaut le coup d'écrire, forcément, non ? A vous de voir (enfin, "vous"... même si "vous" est un gars qui n'avait rien à faire entre 2 et 3 heures du mat., c'est toujours bon à prendre !).
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dimanche 20 janvier 2008
Mes impressions, soleil levant 19/12/07
dimanche 6 janvier 2008
Attrapée entre deux mondes
La première fois que j’avais quitté le Mexique, sept kilos m’étaient tombés sur les hanches. Arrimés à une silhouette d’à peine un mètre soixante-cinq, ce surplus de poids me donnait des formes girondes dont mon décolleté ne se plaignait pas. Deux ans plus tard, j’avais retrouvé ma ligne, mon bonnet B et la moiteur de l’air mexicain, son odeur d’essence mélangée à un parfum de plantes grasses et d’excréments. Quand l’avion amorça sa descente sur les immeubles de la capitale, encore luisants sous le soleil du crépuscule, je ressentis une excitation profonde, un mélange de souvenirs, d’espoirs et de tension. J’ai toujours eu peur de l’atterrissage. Mon Ipod jouait une chanson de Terry Jacks. J’ôtai d’un geste sec mes écouteurs et refermait Sous le volcan de Malcolm Lowry. Le Consul, une bouteille de mezcal à la main, venait juste de retrouver son Yvonne.
- Voyez mademoiselle, l’air est moins dense en altitude, la portance est moins bonne qu’ailleurs à Mexico. C’est pour cela que l’avion garde une certaine allure avant de se poser.
Malgré son effort de persuasion, le steward n’était pas des plus rassurants. Au fond, ma crainte de l’atterrissage ne pesait rien à côté de ma peur du retour en arrière. J’avais voulu que ce voyage fût un bond en avant. Je finissais mes études, j’avais trouvé mon premier emploi, je quittais mes amis pour être plus sûre d’eux encore. Peut-être. J’étais convaincue de partir sans regret, en ayant eu les bonnes disputes, de celles qui libèrent et que l’on a imaginées vingt fois devant son reflet trop sage sans jamais être certaine d’être un jour à la hauteur du scénario fixé. L’avion se posa sans heurt. Je me levai et me préparai à sortir par la rampe d’accès. Ma peau, poisseuse, se collait à mon débardeur bleu.
-Vous croiserez surement Stéphane Bern en sortant. Il a pris ce vol, je crois qu’il va filmer un documentaire sur le Mexique.
Monsieur Bern attendait ses valises à côté de moi. Petit, le nez aquilin, le buste étroit, fatigué. La jetset parisienne perdait de son attrait, si tant est qu’elle en eût, dans l’aéroport de Benito Juarez après dix heures de vol. Il avait morflé le Stéphane. Une longue file d’attente s’était formée devant les postes des douanes. À tout hasard, je m’étais présentée devant le bureau réservé aux « diplomáticos » y aux « equipajes », les diplomates et les personnes voyageant avec un handicap ou avec un bébé, au choix. Une association qui ne manquait pas de bon sens, songeai-je. Devant moi, un vieil homme apparemment mexicain et dont la barbe avait conservé un gris soutenu, fut invité à passer sur son sol natal dans son fauteuil roulant. Je portais mon large gros sac-à-dos vert, une paire de baskets fatiguée, je ne correspondais pas exactement à l’idée que d’aucun se faisait du personnel des ambassades.
-Mira, que hace esa chava aqui ?
Mexico, 21 millions d'âmes, 200 000 taxis et la plus haute tour d'Amérique Latine
Les murs blanc cassé du salon joignent les deux baies vitrées qui encadrent mon début de soirée. Avachie sur le canapé, les genoux relevés à hauteur de mon ventre, je tente de me confectionner un espace plus à ma taille, un environnement qui me réchauffe et me rassure. Les bruits me parviennent comme tapissés par les fenêtres, le bourdonnement des voitures, le cliquetis du métrobus, le souffle coupé du vent dans les plantes du balcon et les slogans criés par le vendeur ambulant de tamales se mêlent entre eux pour s'enrouler autour de moi comme une couverture légère. Les images bleutées du film qui défilent à la télé reflètent la vue de Mexico. Je relève la tête vers ce cadre sur l'extérieur découpé dans mon appartement. Mon horizon est planté de grattes-ciel, de fenêtres soudain éclairées par les mains invisibles d'un joueur d'échecs. Le ciel est une toile de fond brumeuse sur laquelle certains immeubles parviennent à peine à se détacher. Prétentieuse, la Torre Mayor domine toutes les tours et nargue le Castillo de Chaputepec qui jadis culminait le centre. Le Mexico de mon septième étage est une ville asymétrique, le dessin d'une équation à mille inconnues, un puzzle sans coin. Il me semble que Mexico projette toujours à la face de ses passagers le reflet de leurs états d'âme. Elle sait envelopper de façon rassurante mes envies ou au contraire, se faire tentaculaire lorsque je ne suis plus sûre de mon chemin. Ordonné en "cuadras", en pâtés de maison dessinés à l'équerre, cet imbroglio de tiendas, puestos de tacos et de trottoirs escarpés peut soudain me donner le vertige. La ville est un monde inversé où les étoiles sont tombées sur la plaine pour éclairer l'ancien lac de Tenochtitlan.
Mexico, tu restes l'étrangère même pour les taxis qui arpentent tes avenues sans fin, Insurgentes ou Reforma, depuis plusieurs décades. Titanesque, tu dévores tes enfants s'il manquent d'humilité. Insurgée, tu fais voler en éclat toutes les règles qui prétendent calculer la portée de tes excès. Un jour ou l'autre, nous sommes touchés par ton implacable appétit. Tu nous élèves pour rendre notre chute irrésistible. Pour mieux te connaître, j'ai décidé de me laisser submerger. Je suis prête. Vulnérable, j'attends.